La solitude du psychanalyste, selon Jean-Bertrand PONTALIS

16 avr 2022

" La pratique analytique (..) n'est pas de tout repos. Elle est singulièrement éprouvante. D'être des heures, des années durant, le dépositaire de la souffrance, de l'angoisse de ses patients, se sentir parfois réduit à n'être que le témoin impuissant d'une autodestruction ravageante, être pris pour cible d'attaques haineuses, ou pour objet d'un amour passionnel, tout cela ne laisse pas intact. A la fin de la journée (..) il est rare que l'humeur soit paisible, la pensée limpide, les frontières de son propre" moi" solidement établies. Bref, avoir été pris pour un autre que celui qu'on croit être, et d'avoir été soumis à l'épreuve de l'altérité de l'inconscient, on ne sait pas trop qui on est. Et cette intranquillité (..), cet ébranlement de son identité, on ne peut les partager avec personne, pas seulement au motif du secret professionnel. Je crois que c'est précisément cette solitude foncière de l'analyste qui le pousse à maintenir un lien avec ceux qui connaissent une expérience sinon similaire, du moins du même type".

 

J.-B. Pontalis - "Le Laboratoire central" - Éditions de l'Olivier, 2012.

 

Changer sa vision du monde, c'est changer sa relation à l'Autre, Psychanalyste, Avignon

1 avr 2022

"Si tu veux changer la manière dont les autres te traitent, tu dois d'abord changer la manière dont tu te traites. Tant que tu n'apprends pas à t'aimer, pleinement et sincèrement tu ne pourras jamais être aimée. Quand tu arriveras à ce stade, sois pourtant reconnaissante de chaque épine que les autres pourront jeter sur toi. C'est le signe que bientôt tu recevras une pluie de roses.
"Soufi, mon amour", Elif Shafak, 2010, 10/18 Ed.

 

L'inconfortable désir qui nous situe dans la vie

14 mar 2022

« Le désir est torve, il ne se conforme pas à nos idéaux, et voilà pourquoi nous avons tellement besoin d'eux. Le désir se moque de tous les efforts humains et leur donne un sens. Le désir est l'anarchiste originel, le premier agent secret – pas étonnant que les gens veulent l'éradiquer. Et au moment précis où nous pensons tenir fermement la bride au désir, il nous laisse tomber ou il nous remplit d'un espoir nouveau. Le désir me fait rire parce qu'il se moque de nous tous, autant que nous sommes. Mais autant se laisser rouler dans la farine par lui que devenir fasciste. » (Hanif Kureishi, Intimité, 1998)

La relation d'objet et le désir, Psychanalyste, Avignon

9 mar 2022

"Freud insiste sur ceci, que toute façon pour l’homme de trouver l’objet est, et n’est jamais que, la suite d’une tendance où il s’agit d’un objet perdu, d’un objet à retrouver.

 

Il ne s’agit nullement de l’objet considéré dans la théorie moderne comme étant l’objet pleinement satisfaisant, l’objet typique, l’objet par excellence, l’objet harmonieux, l’objet qui fonde l’homme dans une réalité adéquate, dans la réalité qui prouve la maturité – le fameux objet génital. [...] Freud nous indique que l’objet est saisi par la voie d’une recherche de l’objet perdu. [...]

 

Il est clair qu’une discordance est instaurée par le seul fait de cette répétition. Une nostalgie lie le sujet à l’objet perdu, à travers laquelle s’exerce tout l’effort de la recherche. Elle marque la retrouvaille du signe d’une répétition impossible, puisque précisément, ce n’est pas le même objet, ça ne saurait l’être. La primauté de cette dialectique met au centre de la relation sujet-objet une tension foncière, qui fait que ce qui est recherché n’est pas recherché au même titre que ce qui sera trouvé. C’est à travers la recherche d’une satisfaction passée et dépassée que le nouvel objet est cherché, et qu’il est trouvé et saisi ailleurs qu’au point où il est cherché. Il y a là une distance foncière qui est introduite par l’élément essentiellement conflictuel que comporte toute recherche de l’objet. C’est la première forme sous laquelle dans Freud apparaît la relation d’objet."

 

Jacques Lacan, "Séminaire, Livre IV", "La relation d'objet", éditions du Seuil, 1994, pages 16-17,

Psychanalyste Avignon

La rigueur scientifique de freud

28 fév 2022

" Je ne me fie guère à l’intuition ; d’après ce que j’ai pu en voir, ce qu’on appelle ainsi m’apparaîtrait plutôt comme la conséquence d’une certaine impartialité de l’intellect. Mais, malheureusement, on est rarement impartial lorsqu’il s’agit des choses dernières, des grands problèmes de la science et de la vie. Je crois que chacun de nous est alors sous l’emprise de préférences profondément enracinées que nous ne faisons que servir à notre insu dans nos spéculations. Avec d’aussi bonnes raisons de nous méfier, nous ne pouvons guère, à l’endroit des produits de notre propre réflexion, que faire preuve d’une bienveillance des plus tempérées. Je m’empresse d’ajouter cependant que cette auto-critique n’exige pas de nous une tolérance particulière envers les opinions divergentes. On est en droit de rejeter impitoyablement des théories que contredit déjà d’emblée l’analyse des faits observés, tout en sachant par ailleurs que les théories qu’on professe soi-même n’ont qu’une validité provisoire."

 

Sigmund Freud, "Au-delà du principe de plaisir" (1920), traduit de l'allemand par Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, éditions Payot, Paris, 2010, pages 143-144

Psychanalyste, Avignon. La névrose, selon Anne Dufourmantelle.

25 fév 2022

"L’incertitude est ce dont la névrose a le plus horreur. Toute notre organisation névrotique (et nous sommes tous névrosés) consiste à faire barrage à l’inattendu. L’inconscient est un GPS qui intègre toutes les données de votre généalogie, de votre enfance et de ce que vous avez vécu. Il vous indique des chemins et des routes qu’il trouve plus sûrs ou moins encombrés. Si vous lui donnez un itinéraire ou un lieu inconnu, il va tout faire pour que vous n’y alliez pas parce qu’il y a trop de risques. Par contre, ce qui est sympathique avec l’inconscient c’est que, de la même manière qu’un GPS, il va intégrer la nouvelle route la deuxième fois, il va y aller. L’inconscient fonctionne dans la répétition.
Cette capacité à l’inattendu c’est quelque chose qu’il faut trouver dans l’aptitude à être au présent. Et le lâcher prise est fondamental. Le problème, c’est que cela ne se décide pas. Ce n’est pas une question de volonté. Le lâcher prise n’empêche pas la vigilance. Au contraire, il l’appelle. Le risque met sur le qui-vive, puisqu’il y a du danger. Cela met en éveil. Il faudrait lutter contre les deux piliers de la névrose qui, pour éviter l’inattendu, se repose à 90% sur deux grosses ficelles – à savoir « la vie commence demain » ou dans deux heures ou dans une heure. C’est-à-dire qu’elle vous dit : « Oui, bien sûr, on va changer ci et ça ». Elle est très accommodante, la névrose. Elle veut bien changer, mais pas tout de suite. L’autre ficelle, c’est le tout ou rien. « C’est noir ou blanc ». D’où l’idée qu’il n’y a pas de petit choix, comme s’il n’y avait pas de gris entre les deux. Or, dès que vous commencez du gris, vous amorcez quelque chose. 

(Anne Dufourmantelle, Eloge du risque)

La dynamique du changement selon François ROUSTANG

12 fév 2022

« Lorsqu’il s’agit dans le cours d’une thérapie d’opérer un changement, même si on a renoncé au pourquoi mon mal, c’est-à-dire à découvrir les raisons de son apparition, on se demande encore comment opérer ce changement, on voudrait tout de même opérer ce changement, on voudrait tout de même posséder le savoir préalable du moyen ou du levier. Or il n’y a pas de réponse possible à cette question, pas de carte qui nous montrerait le chemin à emprunter, car il n’y a nul changement qui ne s’effectue si ce n’est en s’effectuant. Cela peut sembler le comble de l’obscurantisme, mais c’est en fait le plus haut de l’éclaircissement. Le saut qui fait passer de l’analyse du changement au changement même s’opère dans un savoir qui est d’un autre ordre. Quand on est au bord de l’abîme de la modification, on voudrait s’aider de quelque intelligence de ce qui va se passer et de la connaissance de ce que l’on va trouver. Mais on ne trouverait rien si on pouvait dire ce que l’on va trouver avant de l’avoir trouvé ».

 

François Roustang, 

Savoir attendre

Exorciser les mots toxiques

29 oct 2021

 

De certains mots, de certains regards, on ne guérit pas. Malgré le temps passé, malgré la douceur d'autre mots et d'autres regards."

"D'après une histoire vraie", Delphine de Vigan

Sauf quand on exorcise -par la psychanalyse- l'archaïque qui nous conditionnait dans la répétition de la pulsion de mort

L'importance des mots

26 oct 2021

Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d'autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être ni vivants ni morts. 

("Entre ciel et terre" Jon Kalman Stefansson.

Venir en psychanalyse selon Gérard MILLER

7 juin 2021

"Personne n’entreprend une analyse par simple curiosité ou pour suivre la mode. Récuser les mensonges sur lesquels s’édifie la tranquillité du quotidien et déchiffrer l’oracle de sa destinée, chacun pressent qu’il faut le vouloir vraiment.

La psychanalyse n’est pas câline. On s’y allonge, mais pas pour se relaxer ou dormir. La vérité est trop incommode à supporter, quand on sait que le confort de la réalité est fondé sur sa méconnaissance. Contrairement à ce qu’écrivait Joubert dans ses Pensées, l’erreur repose, la vérité agite. Et puis, rien ne garantit à l’avance au patient que de son désir, il a le goût. Rien ne lui dit qu’il se convient, qu’il est conforme, même imparfaitement, à son idéal. Son désir, la cure peut lui permettre de le tirer au clair, pas de le changer.

Les effets qu’on est en droit d’attendre d’une psychanalyse ne sont pas minces et méritent le détour, mais ce qu’on découvre de soi ne vous projette pas pour autant dans le registre de l’exaltation. Lacan n’avait pas tort de décourager ceux qui venaient à lui pour « mieux se connaître ». Cela ne suffit pas. Il faut que quelque chose cloche et handicape et intrigue pour tenir la rampe au fil des séances. Il faut aspirer à ce que change dans son existence quelque chose de crucial pour supporter d’entendre la petite musique que joue son inconscient. Contrairement aux cures de cape et d’épée dont on fait parfois le récit, la découverte freudienne n’a rien à voir avec une épopée du narcissisme. Ni l’analyste, ni l’analysant ne sont des personnages de roman. C’est pour cela que la psychanalyse ne vaut le coup que pour ceux dont la vie est chienne, et qui veulent, d’un vouloir dont leur souffrance atteste, se repérer par rapport à ce qui les détermine." (Site officiel de G. Miller)