Hypnose maternelle et hypnose paternelle selon Freud Avignon

29 mai 2023

Ferenczi a raison de dire qu’en adressant au sujet l’ordre de dormir, qui sert d’introduction à l’hypnose, l’hypnotiseur prend, aux yeux de celui-là, la place des parents. Il croit pouvoir distinguer deux variétés d’hypnose : celle qui résulte d’une suggestion apaisante, comme accompagnée de caresses, et celle qui est produite par un ordre menaçant. La première serait l’hypnose maternelle, la dernière l’hypnose paternelle.

 

D’autre part, l’ordre de dormir, destiné à provoquer l’hypnose, n’est en somme que l’ordre de détacher son intérêt du monde extérieur, pour le concentrer tout entier sur la personne de l’hypnotiseur : c’est d’ailleurs ainsi que le comprend le sujet lui-même, puisque dans ce détachement de l’intérêt des objets et faits du monde extérieur réside la caractéristique psychologique du sommeil, et c’est sur lui que repose l’affinité entre le sommeil véritable et l’état hypnotique.

 

C’est ainsi que, par ses procédés, l’hypnotiseur éveille chez le sujet une partie de son héritage archaïque qui s’est déjà manifesté dans l’attitude à l’égard des parents, et surtout dans l’idée qu’on se faisait du père : celle d’une personnalité toute-puissante et dangereuse, a l’égard de laquelle on ne pouvait se comporter que d’une manière passive et masochiste, devant laquelle on devait renoncer complètement à sa volonté propre et dont on ne pouvait aborder le regard sans faire preuve d’une coupable audace.

 

C’est ainsi seulement que nous pouvons nous représenter l’attitude de l’individu de la horde primitive à l’égard du père de la horde. Ainsi que nous le savons par d’autres réactions, l’aptitude à revivre ces situations archaïques varie de degré d’un individu à l’autre. Le sujet est cependant capable de conserver une connaissance vague qu’au fond l’hypnose n’est qu’un jeu, qu’une reviviscence illusoire de ces impressions anciennes, ce qui suffit à l’armer d’une résistance suffisante contre les conséquences trop graves de la suppression hypnotique de la volonté.

Répétition, pulsion de mort et principe de loyauté inconsciente Avignon

10 mai 2023

ou quand une histoire se répète… 

 

"Ce qui se répète ce sont les chagrins d'amour, le sentiment d'impuissance, les insomnies, les colères. Un jour, on se rend compte que sous l'apparente diversité de nos expériences et la distribution (malheureuse, croit-on) du hasard, il y a peut-être une logique du désir qui conduit sa vie à se fracasser au même endroit, sur un même affect. Et l'on commence alors à chercher quel est ce malin génie qui "veut" à notre insu la répétition des crises. Par exemple, l'un croit sa femme hystérique, la quitte, rencontre une douce jeune fille et les crises d'hystérie recommencent. Contre toute attente la jeune fille s'est révélée une furie. Mais lui, que vient-il chercher dans ce recommencement sans cesse reconduit de ces crises ?

A la surface de la plainte, rien ne bouge. Mais si l'on cherche dans les rêves, les actes manqués, la parole hésitante de qui se risque au bord de soi, si l'on écoute avec une patience et une précision de détective pourquoi il "faut que ça se répète", on arrive parfois à s'approcher de cette terreur que protège la répétition. Les crises d'angoisse, la peur d'être abandonnée, les symptômes, sont là pour empêcher le sujet de percevoir les loyautés infantiles qui le protègent. Plus insistantes que le moi lui-même, elles maintiennent fermé le champ de l'avenir."

 

(Anne Dufourmantelle, En cas d'amour. Psychopathologie de la vie amoureuse, Payot-rivages, 2012, p.28-29)

L'inconscient freudien Avignon

10 mai 2023

L’inconscient, ce terme n’est pas de Freud.

Il apparaît, d’emblée, dans un sens privatif, en philosophie, et en psychologie dans la deuxième moitié du XIXè siècle. Nietzsche parle des "oubliettes de l'âme" !

Il s'agit de ce qui n’est pas conscient, un-bewusste, in-conscient.

C’est aussi un terme du langage courant, comme adjectif, « ce qui n’est pas conscient », comme substantif « irresponsable », un peu « fou », incapable de se rendre compte de ses faits et gestes.

Comme concept, en 1751 un juriste écossais, Henry Home Kannes, y fait référence pour signifier la « non-conscience ».

Puis il est vulgarisé en Allemagne, à l’époque romantique, comme réservoir d’images mentales, source de passions dont le contenu échappe à la conscience.

Introduit en langue française vers 1860, avec la signification de vie inconsciente par l’écrivain suisse Henri Amiel (1821-1881).

Admis dans le Dictionnaire de l’Académie Française en 1878.

En psychanalyse, cela devient autre chose : un lieu, Freud en parle comme d’une autre scène, eine andere Platz, ou aussi eine andere Schauplatz. Une place, un lieu où quelque chose se montre, se fait voir, entendre, se révèle. C’est d’abord une hypothèse (confirmée aujourd’hui), un lieu inconnu de la conscience (spontanée et réfléchie). C’est un lieu psychique spécifiquement référé à une sorte de conscience inconsciente.

Freud n’invente pas le concept, il lui donne un sens nouveau, qu’il va légitimer avec ses investigations personnelles.

Destin et psychothérapie Avignon

10 mai 2023

2 grandes forces composent la personnalité : 

- la génétique 

- l’empreinte familiale et parentale inconscientes.

Un travail sur soi permet de connaître les influences inconscientes et de les modifier pour mettre de l’huile dans les rouages.

Une façon d'interroger le symptôme dans son rapport au fantasme et aussi de saisir les processus d'identification inconsciente à des modèles que nous nous sommes choisis.

C’est peu, mais c’est énorme !

Cela suppose une grande souplesse et une grande intelligence…

Être son pire ennemi Avignon

9 mai 2023

Le surmoi ne prononce pas d'injonctions, il ne dit pas: "Tu dois", mais : "Tu aurais dû" ou : "Tu n'aurais pas dû" (il vous tutoie toujours celui-là, ce détestable ennemi intime qui prétend être votre ami, vouloir votre bien). Il vient constater la faute après qu'elle a été commise. L'effort de l'obsessionnel pour faire que la faute, fût-ce la plus infime, n'ait pas été commise, pour que ça ne soit pas arrivé (l'annulation rétroactive), vise à contrecarrer la voix du surmoi. Elle ne parvient qu'à la renforcer, à en accentuer la férocité, une férocité parfois doucereuse.

 

(J.-B. Pontalis, En marge des jours)

L'aventure psychanalytique, Anne Dufourmantelle Avignon

9 mai 2023

Une psychanalyse est une enquête risquée, sans assurance d'arriver jamais au terme de la recherche.
Pas de certitude d'être dans la vérité d'une origine ni de résolution définitive à l'angoisse.
Et pourtant il est question de "se trouver".
Une trouvaille pareille à nulle autre. Parce qu'il faut du courage pour l'entreprendre, et parce qu'il y a de la douceur aussi dans le cheminement de cette rencontre avec soi. Sur le terrain balisé de la répétition que la névrose défend, l'inespéré traduit la possibilité d'une alternative. "Tu peux changer ta vie", dit le vers d'un poème de Rilke. Et s'il s'agissait d'abord de se perdre, c'est-à-dire de mettre à l'épreuve une certaine idée que l'on se faisait de soi?

(Anne Dufourmantelle, Laura Leter
Se trouver, dialogue sur les nouvelles souffrances contemporaines)

 

Choix, Risque et zone de confort Avignon

17 avr 2023

L’incertitude est ce dont la névrose a le plus horreur.

Toute notre organisation névrotique (et nous sommes tous névrosés) consiste à faire barrage à l’inattendu. L’inconscient est un GPS qui intègre toutes les données de votre généalogie, de votre enfance et de ce que vous avez vécu. Il vous indique des chemins et des routes qu’il trouve plus sûrs ou moins encombrés.

Si vous lui donnez un itinéraire ou un lieu inconnu, il va tout faire pour que vous n’y alliez pas parce qu’il y a trop de risques. Par contre, ce qui est sympathique avec l’inconscient c’est que, de la même manière qu’un GPS, il va intégrer la nouvelle route la deuxième fois, il va y aller. L’inconscient fonctionne dans la répétition.

Cette capacité à l’inattendu c’est quelque chose qu’il faut trouver dans l’aptitude à être au présent.

Et le lâcher prise est fondamental. Le problème, c’est que cela ne se décide pas. Ce n’est pas une question de volonté.

Le lâcher prise n’empêche pas la vigilance. Au contraire, il l’appelle.

Le risque met sur le qui-vive, puisqu’il y a du danger. Cela met en éveil.

Il faudrait lutter contre les deux piliers de la névrose qui, pour éviter l’inattendu, se repose à 90% sur deux grosses ficelles – à savoir « la vie commence demain » ou dans deux heures ou dans une heure.

C’est-à-dire qu’elle vous dit : « Oui, bien sûr, on va changer ci et ça ». Elle est très accommodante, la névrose. Elle veut bien changer, mais pas tout de suite.

L’autre ficelle, c’est le tout ou rien. « C’est noir ou blanc ». D’où l’idée qu’il n’y a pas de petit choix, comme s’il n’y avait pas de gris entre les deux. Or, dès que vous commencez du gris, vous amorcez quelque chose.

(Anne Dufourmantelle, Eloge du risque)

Actualité de la psychanalyse Avignon

17 avr 2023

Il serait bien que l'honnêteté intellectuelle et scientifique puisse aboutir.

Les psychothérapies psychodynamiques nouvelles tirent leur origine directement des analystes qui dans la continuité de l'influence de sandor Férenczi ont renouvellé la pensée et la pratique analytique, comme par exemple Anzieu avec le "Moi-peau" et Kaës avec l'inconscient groupal, ou Green avec ses travaux sur le narcissisme.

Comme par hasard, ces auteurs ne sont jamais cités par les détracteurs de la psychanalyse, qui exploitent à foison l'hermétique de lacan. Tout simplement parce qu'ils ne les connaissent pas.

Pour critiquer la psychanalyse aujourd'hui, encore faudrait-il tenter de critiquer les théories et pratiques actuelles, plutôt que de répéter continuellement la même erreur : critiquer Freud, toujours Freud.

En effet, de nombreuses psychothérapies modernes découlent du principe de répétition évoqué par Freud à propos de la Pulsion de mort. Quelque chose se répète dans l'existence pour se répéter secondairement dans la séance psychanalytique : le transfert.

La psychothérapie psychodynamique, focalise aujourd'hui son travail sur les interactions entre le thérapeute et le patient. Elle se décentre de son origine historique : l'interprétation, la recherche de la signification, le symboliques.

Une psychothérapie efficace, ce n'est pas simplement une thérapie qui soigne des symptômes. C'est aussi un processus qui permet de co-construire des processus psychiques jamais advenus auparavant chez un patient. Ainsi se met en place une transformation due à l'effort psychananalytique.

 

Grandeur ou décadence ? Hypernarcissisme ou psychose ordinaire Avignon

5 avr 2023

La question du sort de l'espèce humaine me semble se poser ainsi : le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle mesure, dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions humaines d'agression et d'autodestruction ? A ce point de vue, l'époque actuelle mérite peut-être une attention toute particulière. Les hommes d'aujourd'hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu'avec leur aide il leur est devenu facile de s'exterminer mutuellement jusqu'au dernier. Ils le savent bien, et c'est ce qui explique une bonne part de leur agitation présente, de leur malheur et de leur angoisse. Et maintenant, il y a lieu d'attendre que l'autre des deux « puissances célestes », l'Eros éternel, tente un effort afin de s'affirmer dans la lutte qu'il mène contre son adversaire non moins immortel."

 

Sigmund Freud, Malaise dans la culture (1930) - paragraphe final.

L'analysant, le psychanalyste et le transfert Avignon

5 avr 2023

Aimer bien ses patients : condition nécessaire pour moi. Je vois bien ce qu'on pourrait me rétorquer : ne serait-ce pas pour être payé de retour, une façon de m'assurer que je suis aimé par eux ? N'empêche : je ne conçois pas comment je pourrais leur consacrer tant de temps, d'attention, vouer une si grande part de ma vie à écouter leurs plaintes, à faire mien, sans m'y confondre ce que Lagache appelait leur "monde personnel", si je ne pensais pas à ce qui les entrave - symptômes, inhibitions, répétition, narcissisme à vif -, que ce qui les rend captifs de leur névrose recouvre ce que je ne peux me représenter autrement que comme mouvement vers, même si la finalité de ce mouvement est de détruire - soi ou l'objet.

Un pari sur les forces de vie.

Serais-je plus médecin que je ne le crois ? Un médecin qui ne serait pas soumis à l'exigence de "guérir" mais porté par un besoin plus fort que celui qui ne vise qu'à rendre la vie vivable, supportable (ce qui implique une grande part de résignation). Faire en sorte que l'autre se sente, se veuille vivant. Je ne sais pas trop ce que j'entends par là. Peu m'importe.

La fameuse formule de Bichat : "La vie est l'ensemble des forces qui résistent à la mort." Juste mais un peu trop négative à mon goût. Alors, quoi ? L'"élan vital" de Bergson ? Un peu trop positif, cette fois. Freud, lui, a choisi un mot latin, libido, que n'ignoraient pas les Pères de l'Eglise : la libido peut se diriger vers les objets multiples, vers le savoir aussi bien que sur la vengeance, elle se déplace, elle ne tient pas en place, elle migre... Éros, plus civilisé et civilisateur, finalement, que libido, moins indomptable, moins sauvage, Éros qui vient aiguillonner, éveiller Psyché endormie. Éros est vif, joyeux. Libido, toxique, peut préférer la mort.

 

Aimer bien ses patients : conditions pour que le goût de vivre leur revienne et que les choses trouvent leur saveur, pour qu'à tout le moins ce qu'un peintre épris de couleurs appelait une "cordialité pour le réel" l'emporte sur l'hostilité, le rejet.

Aimer bien ses patients - pas trop, comme si ce trop était un mal, un amour destructeur pour soi comme pour l'autre. Les aimer bien, différent de, et même opposé à, vouloir leur bien. Ne rien exiger, mais se fier à ce qu'il y a de vivant en chacun.

 

(J.-B. Pontalis, Fenêtres)