" La pratique analytique (..) n'est pas de tout repos. Elle est singulièrement éprouvante. D'être des heures, des années durant, le dépositaire de la souffrance, de l'angoisse de ses patients, se sentir parfois réduit à n'être que le témoin impuissant d'une autodestruction ravageante, être pris pour cible d'attaques haineuses, ou pour objet d'un amour passionnel, tout cela ne laisse pas intact. A la fin de la journée (..) il est rare que l'humeur soit paisible, la pensée limpide, les frontières de son propre" moi" solidement établies. Bref, avoir été pris pour un autre que celui qu'on croit être, et d'avoir été soumis à l'épreuve de l'altérité de l'inconscient, on ne sait pas trop qui on est. Et cette intranquillité (..), cet ébranlement de son identité, on ne peut les partager avec personne, pas seulement au motif du secret professionnel. Je crois que c'est précisément cette solitude foncière de l'analyste qui le pousse à maintenir un lien avec ceux qui connaissent une expérience sinon similaire, du moins du même type".

 

J.-B. Pontalis - "Le Laboratoire central" - Éditions de l'Olivier, 2012.

 

Date: 
Samedi, 16 avril, 2022
Image: