"Aimer, c’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas" disait Lacan.
Une formule qui semble décourageante, voire absurde… mais qui touche pourtant quelque chose de très juste. Aimer, c’est souvent tendre à l’autre la trace de notre propre manque, ce vide intime que l’on n’a jamais su combler. On n’offre pas ce qu’on a, mais ce qui nous a manqué, en espérant que cela ait de la valeur pour lui.
Le hic, c’est que l’autre n’en veut pas. Ce qu’on lui tend, il ne l’a ni demandé, ni reconnu comme utile. Pire, parfois, il ne sait même quoi en faire.
C’est un peu comme ce parent qui pousse son enfant à entreprendre de longues études parce que lui même n’en a pas fait, ou qui couvre l’enfant de cadeaux pour réparer une enfance frustrée. Il donne ce qu’il n’a jamais eu, croyant bien faire… mais l’enfant, lui, se retrouve chargé d’un désir qui n’est pas le sien.
On croit aimer, mais on projette. On croit réparer, mais on encombre.
En somme, on tente de résoudre son propre problème avec quelqu’un qui en a un autre.
Fort heureusement ce malentendu n’épuise pas tout l’amour possible. Il existe une autre manière d'aimer, en renonçant à vouloir combler quoi que ce soit. Aimer alors, ce serait reconnaître l’autre dans ce qu’il est, non pas pour ce qu’il nous donne ou répare, mais pour ce qu’il désire, même si cela nous échappe. Ce n’est peut être pas l’amour des romans à l’eau de rose, mais au moins c’est un amour qui tient debout, les mains vides mais ouvertes. Bien moins spectaculaire, mais profondément humain
